HISTOIRE DE L'ENLUMINURE
Contrairement à ce que l'on pense, l'art de l’enluminure n’est pas né au Moyen-Age: datant de 1200 ans avant JC, un papyrus provenant du Livre des Morts des anciens pharaons est conservé au Musée Égyptologique de Turin. Dans l’Antiquité, les rouleaux portaient déjà de nombreuses illustrations, même si une infime part est parvenue jusqu'à nous. La Bibliothèque d’Alexandrie possédait quelque 700 000 volumes au temps de César. C'était une formidable usine de stockage, de reproduction et de diffusion du savoir. On se plait à imaginer entrer dans ce sanctuaire vieux de plus de 2000 ans et de découvrir toutes ces richesses inouïes!
Pendant les premiers siècles de l’ère chrétienne, se développe le "codex" qui a le format de notre livre actuel, fait de pages reliées entre elles entre deux couvertures, utilisant des peaux de bovins, à la différence des rouleaux végétaux faits de papyrus, donc beaucoup plus fragiles. Les deux formats coexistent pendant l’Antiquité, mais le codex domine la production écrite, à partir du IVème siècle, des bibles chrétiennes alors que le rouleau perdure dans la tradition juive de la Thorah.
L’art de l’enluminure peut alors s’épanouir car le parchemin permet la superposition de couches de peinture, la pose de l'or, et la multiplication des formats: pleine page, vignette, bordure, lettrine et marge. Est considérée comme enluminure toute décoration: simple dessin aquarellé, initiales peintes et décorées pour structurer visuellement le texte, jusqu’aux enluminures pleine page richement décorées avec des pigments rares et de l’or véritable.
Le plus ancien codex avec des illustrations en pleine page nous est parvenu à travers des dessins du XVIIème siècle d’après une copie carolingienne: le Calendrier de Philocalus datant de 353 (Chronographus anni CCCLIV). Ces dessins, bien que copiés deux fois, montrent la grande variété de sources d’inspiration utilisées par les premiers enlumineurs.
Aux alentours de 1100, le nombre de nouveaux textes augmente et les bibliothèques monacales ont des difficultés à retranscrire ce savoir. Aussi, les monastères commencent à collaborer avec des scribes et enlumineurs professionnels. A la fin du XIIème siècle, des Universités comme celles de Paris ou Bologne dispensent un savoir laïc, indépendant des monastères. Se développe alors le marché des livres pour étudiants. Par ailleurs, des nobles ou riches bourgeois, hommes et femmes, laïcs mais pieux commandent des psautiers pour leur usage privé et plus tard des Livres d'Heures, richement décorés. Les Livres d'Heures sont des livres de prière à usage laïc de petit format pouvant tenir dans les mains. Il contient un calendrier et les prières pour les sept offices de la journée. Laudes : à l'aube - Prime : au lever du soleil - Tierce (troisième heure après le levant) : à 9 heures ou avant la grande messe - Sexte (sixième heure après le levant) : à midi environ - None (neuvième heure après le levant) : à 15 heures environ - Vêpres : (l'après-midi ou au début de soirée) : vers 17 heures - Complies : le soir, avant ou après le coucher du soleil.
Au XIIIème siècle, les marchands de livres, ou libraires, sont les intermédiaires entre les clients qui passaient commande et les artisans du livre. Il se créait de nombreux ateliers, rattachés aux Universités ou aux centre-villes, réalisant de nouveaux ouvrages ou en recopiant d'autres. Vers 1300, il devait déjà être exceptionnel pour un monastère de fabriquer ses propres livres et les moines devaient acheter leurs livres comme les autres clients. Le prix était négocié en fonction de la taille, du contenu et de la qualité des enluminures: origine des pigments, présence de l’or, travail des enluminures. Le libraire rétribuait le scribe et l’enlumineur. Les scribes étaient souvent installés chez le libraire, mais les enlumineurs avaient des ateliers à part dans d’autres quartiers et travaillaient en famille avec des apprentis.
Les manuscrits étaient faits de peaux de mouton, chevreau, chèvre, parfois cerf et probablement d'autres animaux. Ils pouvaient être aussi en papier, invention chinoise du début de notre ère (100 à 200 environ). Le papier se répandit dans le monde perse qui le perfectionna pour arriver en Occident vers l'an 1000. Vers 1400, beaucoup de livres de moindre valeur étaient en papier. La production du papier chiffon s'effectuait dans des moulins en France, Italie et Espagne, bien plus durable que notre papier actuel fait de cellulose de bois. Le papier devint cependant le matériau indissociable de l'imprimerie vers 1450 pour des raisons évidentes: moindre coût et impression de l'encre facilitée. Un livre est composé de feuilles pliées en deux , ou bi-folia, rassemblés en cahiers. Les pages sont réglées à la mine de plomb, puis le scribe écrit son texte. Il laisse des emplacements à l’enlumineur et on retrouve des indications précises sur certains manuscrits inachevés. Il existait des livres de modèles qui ont joué un rôle important dans la production d’images. Certains ont survécu, avec des échantillons d’initiales et de marges décorées. Les modèles les plus courants étaient les oiseaux, animaux, figures humaines. Quand l'imprimerie prend son essor, les modèles étaient gravés sur bois pour les livres imprimés et peints à la main.
Et aujourd'hui?
Le métier d’enlumineur revient en force au XXIème siècle et fait maintenant partie des métiers d’art. Ces artisans d'art veulent redécouvrir un art oublié et fascinant, le perpétuer ou tendre vers des œuvres plus modernes et conceptuelles comme le Livre d'Artiste contemporain. L'Histoire est en perpétuel devenir.